EUX PRÉSIDENTS x Épisode Numéro 38 x François GARÇON

 

 

 

AUDIENCE #4

 

 

Ils font, façonnent ou bousculent notre paysage économique et entrepreneurial…

Ils s’impliquent dans la vie de la cité pour promouvoir et porter leurs idées…

Pour ADEKWA et AUDIENCE, ils livrent leurs pensées et leurs projets présidentiels…

 

 

Épisode #38 : François GARÇON

 

 

ADEKWA Avocats Lille - Eux Présidents site - François GARCON

Docteur en histoire, maître de conférences à l’université Paris 1, François Garçon, Franco-suisse, a notamment écrit La Suisse, pays le plus heureux du monde (Tallandier, 2015).

 

 

Moi Président ! Je songe à tous les gogos qui ont pleurniché lorsque le 2 mai 2012, face à Nicolas Sarkozy vous vous êtes lancé dans cet exercice de rhétorique creux qu’en France sont si fiers de maîtriser les premiers de classe. Vous aviez alors régurgité un condensé de ce qui figurait sur les fiches que vous avait cuisinées votre équipe de campagne. Du point de vue de l’observateur étranger, suisse notamment, votre performance connotait chez vous une fixation infantile sur la classe de 3ème, celle, je crois, où le professeur de français demande à l’élève de réciter au tableau le devoir de poésie apprise par cœur. Ensuite, le lycéen retourne s’asseoir et son professeur le note.

 

Ce soir-là, devant des millions de Français, vous avez répété cet exercice scolaire. Le pire est que des millions de téléspectateurs, et probablement tous les premiers de classe qui vous secondaient pour la préparation du débat avec Nicolas Sarkozy, vous ont trouvé « excellent ». Pour le Suisse que je suis, vous étiez surtout pathétique. Votre cordage de raquette était déjà usé, ça sautait aux yeux, ça ne pouvait que craquer. A vous observer le 2 mai 2012, les Français auraient dû logiquement s’inquiéter. Qu’en 2012, un candidat à la direction d’un pays de 65 millions d’habitants puisse, sans rire, lâcher un tel flot de lieux communs boursoufflés, et que terminée l’avalanche de promesses (« Moi, Président, je… »), personne n’en ait conclu que vous aviez surtout démontré vos talents de bouffon, en dit long sur la décomposition intellectuelle du pays et sur le degré de servitude volontaire chez tous ceux qui, nullement dupes, se sont tus.

 

Pour être franc, ce soir-là, votre interlocuteur n’a pas été à la hauteur non plus. Se prenant au sérieux, il ne vous a pas interrompu par un éclat de rire. Sans doute parce que lui, en classe de 3ème, n’apprenait pas ses leçons, ou bien seulement une sur deux, se disant qu’il était “ déjà passé ” la semaine précédente, et qu’il pouvait donc faire l’impasse.

 

Le 17 avril 2015, vous avez fait un voyage en Suisse, ce dont je vous félicite. Nicolas Sarkozy s’y est rarement rendu. Sa dernière apparition était à Interlaken en juin 2014, où il s’est moqué de la démocratie helvétique, se faisant clouer le bec par Adolf Ogi, un ancien président de la Confédération. Vous, en compagnie d’un bataillon de premiers de classe, vous avez souhaité voir comment fonctionnait le système de formation suisse.

 

Votre tropisme personnel vous a amené à vous attarder trop longtemps à l’EPFL (qui dame en effet le pion à toutes les “ grandes écoles ” et universités françaises), mais pas suffisamment avec les responsables de la filière de formation professionnelle : ceux en charge de l’apprentissage dual et des Hautes écoles spécialisées. On a aussi pu noter que votre ministre de l’Enseignement avait le nez toujours plongé sur son téléphone portable. Je vous invite donc à repasser le Jura. Venez cette fois avec un équipage moins lourd et parlez avec les élus, les responsables économiques, les petits patrons, les employés, les syndicats, les jeunes apprentis, la communauté étrangère (24% de la population résidente). Auprès de toutes ces personnes, dont aucune ne pourrait exécuter votre exercice du « Moi, Président, je… », ni n’y songerait, vous apprendrez comment on gouverne par consensus, comment, ici, tout le monde peut prendre la parole et, nonobstant une formulation pouvant manquer d’élégance, qu’elle est écoutée. Vous noterez encore que lorsque sa parole n’est pas écoutée, l’intéressé ne brûle pas des pneus mais, stylo en mains, collecte des signatures sur les trottoirs. Ceux et celles que vous rencontrerez ont une chose en commun: toutes sont totalement allergiques à la rhétorique, à l’art oratoire. Ici, le beau parleur est possiblement un escroc, un phraseur à tout le moins. En Suisse, votre « Moi, Président, je… » n’aurait pas même été éligible au Montreux Comedy Festival.

 

 

 

François GARÇON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ADEKWA Avocats

Cabinet d’avocats

Lille  –  Roubaix  –  Douai  –  Valenciennes  –  Cambrai  –  Bordeaux