Les mesures à respecter pour pourvoir un poste s’apparentent parfois à un véritable casse-tête pour l’entreprise. L’embauche du salarié est en effet soumise à un cadre légal et administratif stricte dont le non-respect peut être source de sanctions pour l’employeur, tant sur le plan civil que pénal…
| par Philippe VYNCKIER, Avocat Associé |
Déclarer pour se protéger
Indépendamment de la nature ou de la durée du contrat de travail conclu, l’embauche, doit donner lieu à une déclaration nominative enregistrée auprès de l’URSSAF dans les huit jours qui précèdent la date effective d’embauche. Une obligation qui entraîne avec elle de nombreuses autres formalités administratives relatives à l’immatriculation et à l’affiliation de l’employeur ou du salarié auprès des régimes de sécurité sociale, de chômage et des institutions de santé.
Cette exigence légale s’inscrit dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Et son irrespect est lourdement sanctionné ! L’entreprise s’expose ainsi à une contravention de 5e classe de 1 500 euros (susceptible d’être portée à 3 000 euros en cas de récidive) et à une pénalité administrative de 1 056 euros en cas de constatation de ce manquement par un inspecteur du travail ou un agent de l’URSSAF.
En cas d’omission volontaire, l’employeur est même susceptible d’être condamné au titre du travail dissimulé. Et, encore une fois, les sanctions sont loin d’être indolores. Sur le plan civil, l’employeur peut être condamné à verser au salarié des dommages-intérêts équivalents à six mois de salaire. Sur le plan pénal, il encourt une peine de trois ans d’emprisonnement assortie de 225 000 € d’amende. La privation d’exercer certaines activités, l’interdiction d’exercice des droits civils et civiques, la perte des mesures d’exonération ou de réduction des cotisations sociales sont quelques-unes des sanctions complémentaires qui s’y ajoutent.
Las, les formalités ne s’arrêtent pas là. Le salarié nouvellement embauché doit être inscrit sur le registre du personnel établi par la structure d’emploi. L’identification du salarié, l’intitulé de son poste, la date de son embauche doivent impérativement être mentionnés. À défaut, l’entreprise restera sous le joug d’une condamnation à une contravention de 4e classe de 750 euros.
Plus généralement, l’employeur frappé de phobie administrative risque vite de déchanter. Exemple : en cas d’accident de travail de son salarié en situation irrégulière, il devra supporter l’ensemble des frais générés par la caisse primaire d’assurance maladie. Inutile de préciser que ces frais atteignent rapidement des sommets…
Bien écrire pour se prémunir
Parallèlement à ces “réjouissances” administratives, l’employeur doit apporter un soin particulier à la rédaction du contrat de travail et veiller à la juste information de son salarié. Restée longtemps facultative, la rédaction de l’écrit concrétisant l’embauche du salarié demeure aujourd’hui cruciale et capitale. Si le contrat à durée indéterminée n’est en principe soumis à aucune obligation écrite, cet affranchissement est illusoire et particulièrement risqué au regard des nombreuses exceptions édictées par le code du travail et nourries par la jurisprudence. L’adéquation avec la convention collective, l’existence de clauses particulières (période d’essai, non-concurrence, mobilité…) ou le recours au temps partiel ne peuvent ainsi résister à la rédaction d’un contrat.
Dans le cadre du CDI, plus qu’un symbole, le contrat de travail constitue une garantie indispensable en cas de contentieux ultérieur.
Pour le contrat à durée déterminée, l’exigence est posée d’emblée : l’écrit est obligatoire et permet de justifier le respect des exigences légales (remplacement d’un salarié absent, accroissement d’activité, activité saisonnière…). En cas d’absence d’écrit clairement établi, le contrat du salarié pourra être requalifié en CDI.
Au-delà du contrat, le recrutement inclut également une obligation d’information du salarié. Elle se matérialise notamment par la remise de documents officiels tels que la déclaration préalable à l’embauche, la notice d’information relative aux textes applicables dans l’entreprise, le règlement intérieur de l’entreprise, le règlement de sécurité ou le livret d’épargne salarial.
Visite médicale en transit
Ultime volet du processus de recrutement : s’assurer de la bonne santé du salarié. À partir du 1er janvier prochain, date théorique de l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, l’exigence d’une visite médicale d’embauche sera supprimée, hormis pour les salariés affectés à des postes à risque. Ce traditionnel rituel sera remplacé par une visite d’information et de prévention, et ne constituera plus un examen médical.
En attendant, cette évolution notable ne dispense pas l’employeur de rester vigilant. Car en l’état, le code du travail comme la jurisprudence imposent bel et bien à l’employeur l’obligation de soumettre son nouveau salarié à une visite médicale d’embauche qui a pour but d’apprécier son aptitude à exercer ce nouvel emploi. Elle doit se tenir au plus tard avant l’expiration de la période d’essai.
Et si, théoriquement, l’initiative de cette convocation appartient à la médecine du travail, la jurisprudence, sous couvert de l’obligation de sécurité de résultat, impose à l’employeur le devoir de veiller à sa tenue effective. La négligence de l’employeur a ainsi longtemps justifié la reconnaissance d’un préjudice de principe générateur de dommages-intérêts au bénéfice du salarié. Toutefois, dans plusieurs arrêts rendus en 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue remettre en cause la présomption de préjudice de principe du salarié et il incombe désormais au salarié de démontrer le préjudice qu’il subit.
Quoiqu’il en soit, l’employeur serait bien inspiré de rester particulièrement vigilant pour ne pas commettre de faux pas face à cet ensemble de règles sévères qui, accessoirement, constitue parfois un frein à l’embauche.