Le compte à rebours est lancé !
Jean-Jacques Urvoas a annoncé la construction d’un nouveau Palais de justice à Lille qui constitue, selon ses dires du garde des Sceaux, « le plus grand projet immobilier judiciaire du ministère en dehors de Paris ».
Si au cours du siècle dernier, de nombreuses villes françaises n’ont jamais
changé de palais de justice, le Capitale des Flandres entame elle
la construction de son troisième palais de justice !
Petit voyage dans le temps à la découverte de ces édifices chargés d’histoire.
| par Alice DELEAU, Avocat Collaboratrice |
DEMAIN
Après le déménagement du tribunal administratif de Lille en mars 2016, voici venu le tour du tribunal de grande instance de Lille et du tribunal d’instance. Le nouveau palais de justice devrait ainsi réunir les deux entités en un seul et même site. Et pour ce projet, pas de rénovation mais une nouvelle création. Et une centaine de projet sont attendus !
Avec un budget de 100 millions d’euros pour une surface d’environ 20 000 m2 sur un terrain d’un hectare, le nouveau palais promet de longues nuits blanches aux nombreux architectes qui concourront pour ce projet. Les travaux débuteront en 2019 et la structure devrait être opérationnelle à la fin de l’année 2021. L’édifice sera construit non loin du palais actuel, en bordure du Vieux-Lille, rue Gandhi, à proximité des gares Lille Flandres et Lille Europe.
À l’origine, Sa future implantation avait suscité de nombreuses interrogations. La zone de l’Union, située à la lisière de Roubaix et de Tourcoing, avait également été évoquée pour accueillir le nouveau palais de justice.
En 2013, suite à la fusion des tribunaux de commerce de Lille et de Roubaix-Tourcoing, le nouveau tribunal de commerce Lille Métropole avait vu le jour au pied de la tour Mercure, dans ce même quartier de l’Union. À l’annonce du déménagement du Palais de Justice, l’idée de créer une véritable « cité judicaire » autour du tribunal de commerce avait été proposée par les élus locaux. Il n’en sera donc rien. La plaine Winston Churchill l’a finalement emporté.
AUJOURD’HUI
Nous ne pouvons pas faire notre petit voyage dans le temps au travers des palais de justice Lillois sans s’arrêter quelque peu sur l’actuel et controversé palais de justice de Lille. Certains en effet, lui reprochent sa modernité décalée en rupture trop brusque avec le quartier historique du Vieux-Lille et ses façades du XVIIe siècle. D’autres aiment sa modernité utile et en son temps pratique et le qualifient de véritable réussite architecturale.
En revanche, tous s’accordent pour dire que ce « Vieux Monsieur » qui domine l’avenue du Peuple Belge n’a pas aussi bien muri que ses voisins. L’actuel Palais n’offre en effet plus des conditions de travail satisfaisantes à ses occupants et ne répond plus aux normes de sécurité actuelle.
Ce vieil édifice a pourtant eu son moment de gloire architecturale. Sa construction dura près de dix ans et fut mis en service le 2 janvier 1963 modifiant à jamais le visage du quartier de la Monnaie. Son architecte, Jean Willervel, souhaitait que ce Palais soit le reflet « d’une justice plus humaine, compréhensive et respectueuse de la dignité humaine ».
L’édifice est d’un volume dix fois supérieur à celui qui l’a précédé. Il dispose d’un bâtiment bas de même hauteur que les immeubles voisins et d’une tour de cinquante mètres où sont regroupés les services de l’instruction, du parquet et du greffe. Le bâtiment est fait de béton apparent dont la rigidité est adoucie par d’immense tapisserie souple de laine aux couleurs vives.
Au-delà d’un lieu justice, le Palais de justice de Lille est un véritable musée dédié à la tapisserie moderne. On y découvre ainsi des tapisseries de Millecamps, Guérin, Beaudin, Prassinos, Gilioli, Ubac ou Bazaine… Art et Justice se mêlent et se confondent, donnant ainsi au lieu une ambiance des plus singulières. L’édifice aura vu passé de nombreux visiteurs, inconnus pour certains, célèbres pour d’autres, et vu la justice évoluer et se transformer, de la présidence Pompidou jusqu’à nos jours.
Il est aujourd’hui temps pour ce professionnel de la justice de prendre une retraite bien mérité et entamer, peut-être, une reconversion. Certaines grandes entreprises hôtelières se sont déjà montrées extrêmement intéressées par le site et ses volumes architecturaux. De quoi offrir à ce lieu unique une nouvelle jeunesse.
HIER
Du palais de justice d’autrefois, il ne reste que quelques reliques. Les vestiges qui ornaient hier les colonnes de l’entrée du tribunal servent aujourd’hui de terrain de jeux pour les enfants.
Construit entre 1831 et 1839, le site de l’ancien palais de Justice est un haut lieu de l’histoire de la ville.
Il fût bâti sur le terrain occupé par le palais de la Salle, ancien château des comtes de Flandre démoli au XVIe siècle, ainsi que sur l’emplacement de la collégiale Saint-Pierre, premier lieu de culte de la ville, détruit à la Révolution.
À une époque où les canaux sillonnaient encore dans la ville, le palais de justice fût ainsi installé en bordure des quais du canal de la Basse-Deûle. Le projet fut finalement confié à l’architecte lillois Victor Leplus.
Sa façade sobre était rythmée de baies régulières alignées sur deux niveaux et relevée au centre d’un étage. Le tout, couronné par un fronton du sculpteur Lemaire.
Côté quai, le bâtiment avait des allures de temple grec, dont les denses colonnes se reflétaient dans les eaux de la Basse-Deûle. Des prisons avaient par ailleurs été installées de part et d’autre de l’édifice. Des statues de Démosthène et Cicéron d’une part et d’Aguesseau et Hospital d’autre part seront érigées en avant du porche avant d’être enlevées jugée massives et disgracieuses. Le Canal de la Basse-Deûle sera asséché dans les années 1930 et comblé pour donner naissance à l’avenue du Peuple-Belge.
Quelques années plus tard, ce palais néo-classique, jugé trop petit et trop vétuste sera déconstruit pour céder sa place au palais actuel…pour quelques années encore.