par
Philippe SIMONEAU, Associé ADEKWA Avocats
Madame M…, initiatrice de “#BalanceTonPorc”, a été condamnée pour diffamation par la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Madame M…a fait appel ; le jugement n’est pas définitif. Elle est toujours présumée innocente.
La parole, pour les femmes, est ’elle pour autant compromise ?
Bien sûr que non. Et c’est heureux !
La liberté de parler au nom et pour le compte de toutes et de tous, les enfants, les femmes et les hommes, la protection des animaux ; celle de notre planète : la liberté d’expression doit être totale.
Sauf qu’il y a un impératif ; celui de ne pas dire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment, sur n’importe qui, au risque de porter très gravement préjudice à une personne.
Et d’être poursuivi pour diffamation.
Alors un petit point rapide sur la diffamation.
La diffamation est une allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne.
C’est l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 qui sanctionne les abus du droit de liberté d’expression :
« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».
La Cour de cassation est venue préciser, au visa de ce texte, que :
« Pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits, de nature à être, sans difficulté l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ».
Ainsi, pour être constitué, le délit de diffamation suppose la réunion des conditions cumulatives suivantes :
– Des propos portant sur l’allégation de faits précis,
– La mise en cause d’une personne déterminée ou identifiable,
– Une atteinte à l’honneur ou à la considération de cette personne,
– Le caractère public des propos litigieux (radio, télé, presse écrite, blogs, forums de discussion, réseaux sociaux, réunions publiques, …).
La personne poursuivie pour diffamation doit alors pouvoir démontrer au tribunal « l’exception de vérité » et / ou « la bonne foi ».
L’exception de vérité, c’est prouver l’authenticité des faits allégués.
Pour échapper à une condamnation, la personne poursuivie doit alors prouver la vérité de ses allégations.
Cette preuve n’est d’ailleurs acceptée par le tribunal que si elle « est complète, parfaite et corrélative aux diverses imputations formulées, dans leur matérialité et leur portée ».
La bonne foi quant à elle suppose le cumul de plusieurs critères :
– La prudence et la mesure dans l’expression, sans exagération dans le propos ou l’expression de la pensée,
– L’absence de conflit personnel avec la victime ; il ne doit pas y avoir de transcription d’une animosité personnelle. Les propos doivent être destinés à informer et pas à nuire,
– La légitimité du but poursuivi,
– Et une enquête sérieuse et préalable ; à tout le moins l’auteur devait, de bonne foi, disposer d’éléments suffisants pour croire à la vérité des faits relatés.
Enfin, le tribunal tiendra compte de la qualité de l’auteur des propos litigieux et du contexte du débat d’intérêt général dans lequel les propos s’inscrivent.
« Il faut de la mesure en toutes choses » disait Horace ; la plupart du temps, sans doute.
En tout cas, sur les réseaux sociaux, cela s’impose !
ADEKWA Avocats
Cabinet d’avocats