Les antennes relais devant le juge administratif (par Martine Cliquennois, ADEKWA Avocats Lille)

 

 

Alors que de plus en plus de voix s’élèvent quant à leur potentielle nocivité en raison des ondes qu’elles émettent, les antennes érigées par les opérateurs mobiles posent avant tout question sur le terrain législatif de l’urbanisme et de l’environnement.
Une problématique qui met aux prises les professionnels du secteur, les collectivités et les habitants et qui s’avère d’autant plus épineuse que chacun souhaite une couverture réseau maximale, tout en espérant que ces antennes soient situées le plus loin de chez lui…

 

 

Antennes Relais 01

 

|  par Martine CLIQUENNOIS, Avocat Associé  |

 

 

C’est un contentieux qui se développe depuis quelques temps devant les juridictions administratives et qui concerne au premier chef les maires chargés de délivrer les autorisations d’urbanisme. Le problème ? Des riverains, soucieux de leur environnement immédiat, attaquent les communes qui délivrent les autorisations d’installer les antennes ; ou bien à l’inverse, les opérateurs de téléphonie mobile attaquent les communes aussi, mais parce que l’autorisation d’installation leur a été refusée.

 

 

Quels sont les problèmes juridiques fréquemment posés au juge ?

 

 

Tout d’abord il faut savoir qu’en l’état actuel du droit, le débat ne portera pas, devant le tribunal administratif, sur les nuisances susceptibles d’être provoquées par les ondes électromagnétiques. Jusque-là, le Conseil d’État s’en tient à une position développée en 2011 et 2012 (CE, 26 octobre 2011, n°326492 ; CE, 30 janvier 2012, n°344992) dans laquelle il estime qu’en l’état actuel des études scientifiques, il n’y a pas lieu à appliquer le principe de précaution. Un maire ne peut donc s’opposer à une antenne pour cette raison. Certes, cette question évoluera peut-être à l’avenir ; il existe des propositions de loi qui visent à intégrer la prise en compte de ces risques potentiels, au titre du principe de précaution. Mais pour le moment, il n’est pas la peine de se battre sur ce terrain.

Devant le tribunal administratif, seul compte le respect des règles d’urbanisme et d’environnement : Code de l’urbanisme, plan local d’urbanisme (PLU), lois relatives à la protection de sites naturels, plans de prévention de risques d’inondation ou de risques industriels par exemple, selon l’implantation prévue pour l’antenne.
Par exemple si tel article du PLU applicable fixe une hauteur maximum des constructions ; ou bien encore fixe une distance par rapport à la voie publique, alors cet article peut être invoqué pour s’opposer à l’implantation de l’antenne.

 

 

?!

Une antenne relais est un émetteur-récepteur qui convertit les signaux électriques en ondes électromagnétiques.  Son fonctionnement rend notamment possible la téléphonie mobile et la connexion internet sur smartphone (3G et 4G).

 

 

Aujourd’hui, la grande question qui agite les milieux concernés est celle de l’autorisation d’urbanisme préalable : faut-il un permis de construire ; ou une simple déclaration préalable de travaux suffit-elle ? Cette question renvoie à l’application de règles nouvelles entrées en vigueur avec le décret du 28 février 2012 qui acte la disparition de la notion de SHOB (surface hors œuvre brute), que certains connaissaient bien jadis, pour la remplacer par la notion de surface de plancher, qui elle-même renvoie à la notion d’emprise au sol, et qui elle-même suppose de réunir plusieurs critères dont celui de la projection verticale à partir du sol… on voit la complexité du sujet.

De plus, il existait avec l’ancien droit une position du Conseil d’État, (CE, 20 juin 2012, n° 344646). qui considérait qu’une l’installation d’une antenne de téléphonie mobile, qui suppose une ou plus souvent deux dalles de béton coulées au sol sur laquelle sont fixés un mât qui sert de support à l’antenne proprement dite, et des armoires électriques pour faire fonctionner le tout, que cet ensemble donc, constituait un ensemble fonctionnel indissociable. Donc il fallait tenir compte de tout cet ensemble arrimé au sol pour calculer la surface et en déduire qu’un permis de construire était nécessaire si elle dépassait deux mètres carrés.

La question est désormais de savoir si cette jurisprudence du Conseil d’État peut être transposée au droit nouveau de l’emprise au sol : doit-on continuer à voir dans l’ensemble des installations nécessaires pour implanter une antenne un ensemble fonctionnel indissociable ? Dès lors que l’on regarde cet ensemble, il dépasse presque toujours cinq mètres carrés, règle applicable désormais, et il faut alors un permis de construire. C’est en général ce que soutiennent les riverains et certaines communes.

Ou bien faut-il, comme le soutiennent les opérateurs de téléphonie mobile, considérer que les dalles de béton sur lesquelles reposent des pylônes de plus de vingt mètres de haut ne sont que de simples terrasses, comme le sont les terrasses de plain pied, sans fondations profondes, des maisons individuelles, qui sont exclues du calcul de surface par une circulaire ministérielle de 2012, et donc qu’il suffirait d’une déclaration de travaux ?

 

 

60 000

C’est le nombre d’antennes relais en France

 

 

Pour le moment la jurisprudence est partagée : les quelques tribunaux administratifs (Caen, Versailles, Melun, Orléans) qui se sont prononcés sont favorables à l’une ou à l’autre solution.

La cour administrative d’appel de Douai ne s’est pas encore prononcée, mais sa position est très attendue localement. Le tribunal administratif de Lille a en effet rendu depuis le 2 juillet 2015 plusieurs décisions favorables à la solution du permis de construire. Les communes de Neuville-en-Ferrain, Halluin, Premesques, sont par exemple concernées.

Reste que, compte tenu de l’enjeu pour les opérateurs économiques et pour les riverains des communes concernées, il faut s’attendre à ce que le Conseil d’État soit saisi pour donner un jour son analyse, qui régulera alors les décisions des juridictions inférieures, et ce, pour tout le territoire national.

Reste encore, pour les riverains, une fois qu’une antenne implantée est considérée comme illégale par le juge administratif, à aller devant le juge judiciaire, cette fois, pour se plaindre des nuisances subies.

À moins que, d’ici là, la progression rapide de la fibre optique soit telle que l’implantation des antennes relais ne devienne un sujet anachronique. Mais rien n’est moins sûr…