Clause de réserve de propriété : l’arme absolue ? (par Philippe Vynckier, ADEKWA Avocats Lille)

 

 

Pour un fournisseur, l’annonce d’une procédure collective de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire qui frappe un client est source de stress et de vives inquiétudes, et signent, souvent, face au paiement des factures impayées, la fin de toutes les espérances…

 

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|  par Philippe VYNCKIER, Avocat Associé  |

Avocat au Barreau de Lille

 

 

La procédure collective entraîne en effet, dès son ouverture, l’interdiction de toute action en recouvrement des factures impayées à cette date ou la suspension des instances en paiement en cours. Ces instances, si elles peuvent être reprises, ne peuvent aboutir, à tout le moins, qu’à la fixation de la créance au passif et en aucune manière à un jugement de condamnation. De plus, le fournisseur, créancier chirographaire, sera largement primé par d’autres créditeurs que sont les créanciers « superprivilégiés » et privilégiés.

 

Les fournisseurs diligents peuvent cependant échapper à ce sombre constat en faisant preuve d’anticipation et en prenant la précaution de subordonner la vente de leurs produits à l’acceptation par leurs clients d’une clause de réserve de propriété. Au travers de cette clause, le fournisseur se réserve la propriété de la marchandise vendue jusqu’au paiement intégral de son prix de vente. Le Code de commerce leur réserve la faculté de solliciter, nonobstant la procédure collective, la restitution de leur marchandise ou du prix de vente de celle-ci.

 

 

Les conditions d’opposabilité de la clause de réserve de propriété

 

 

L’article L.624-16 du Code de commerce rappelle que la clause de réserve de propriété doit être convenue dans un écrit établi au plus tard au moment de la livraison ou dans un écrit régissant un ensemble de relations commerciales convenues entre les parties, c’est-à-dire dans le bon de commande, le bon de livraison, le contrat cadre conclu lors de l’entrée en relation commerciale notamment. La clause doit être acceptée. Cette acceptation peut être expresse ou tacite c’est-à-dire se déduire de l’existence de relations commerciales antérieures et de la réception de documents commerciaux, notamment de factures comportant une telle clause (sans protestation de la part du client).

 

 

Il est donc conseillé d’apporter soin tout particulier à la rédaction de cette clause et à sa présentation dans les documents commerciaux. La clause doit apparaître de manière claire, évidente, détachée de toute autre mention, de telle sorte qu’il n’y ait aucune ambiguïté quant à la connaissance de cette clause par le client.

 

 

Les conditions de l’action en revendication

 

 

Le fournisseur titulaire d’une clause de réserve de propriété se voit consacrer une action spécifique. Il lui appartient d’être réactif et d’exercer l’action qui lui est réservée : l’action en revendication. Cette action obéit à des délais stricts qui sont en quelque sorte la contrepartie du privilège réservé à ce créancier particulier.

 

Sous peine de forclusion, l’action en revendication devra être exercée dans le délai de trois mois à compter de la publication du jugement ouvrant la procédure collective au Bodacc, le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Mais agir dans ce délai ne sera pas suffisant : il convient également de diriger la requête en revendication vers le bon destinataire. Dans l’hypothèse d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la requête en revendication doit être adressée à l’administrateur judiciaire si le Tribunal en a désigné un ou, à défaut, au débiteur lui-même.

 

Le fournisseur sera également tenu d’adresser copie de cette requête au mandataire judiciaire désigné par le tribunal. Dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire, le destinataire de la requête n’est autre que le mandataire judiciaire. L’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés fournit toutes les indications utiles à ce sujet. L’envoi de la requête doit impérativement s’effectuer par lettre recommandée avec accusé de réception. Il appartient en effet au créancier revendiquant de rapporter la preuve, en cas de contestation, de l’existence de sa requête et de sa parfaite réception par les destinataires. Le fournisseur revendiquant est ensuite tenu de surveiller un deuxième délai.

 

Le destinataire de la requête dispose d’un délai d’un mois pour prendre position : accéder à la revendication et restituer la marchandise ou payer le prix, ou refuser la revendication. Il convient ici de préciser que le silence du destinataire équivaut à un refus. Dès lors, le fournisseur sera alors tenu de s’adresser à un juge, le juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce, pour assurer la surveillance de la procédure collective dans un délai d’un mois à compter du refus exprimé ou de l’expiration du délai d’un mois précité. Ce nouveau délai est également prévu sous peine de forclusion. La saisine du juge-commissaire s’effectue par lettre recommandée avec accusé de réception ou par dépôt au greffe contre récépissé.

 

 

 

ADEKWA Avocats - Claude de Réserve de Propriété - Philippe VYNCKIER

Le destinataire de la requête dispose d’un délai d’un mois pour prendre position 

 

Quelles suites ?

 

 

Le fournisseur diligent, titulaire d’une clause de réserve de propriété opposable jouit d’une position tout à fait privilégiée. Deux possibilités s’offrent à lui : récupérer sa marchandise ou obtenir son remboursement si le débiteur souhaite la conserver. Il échappe alors à tout concours avec les autres créanciers, fussent-ils privilégiés, ainsi qu’au principe d’interdiction du paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture. Cette bienveillance à l’égard du fournisseur conduit également le législateur à autoriser le report de la revendication sur le prix de cession, dans l’hypothèse d’une vente des marchandises, et d’un paiement de celles-ci postérieurement au jugement d’ouverture (article L.624-18 du Code de commerce).

 

En l’état, il est donc ardemment recommandé au fournisseur de se doter d’une clause de réserve de propriété, laquelle constitue une arme redoutable pour échapper à l’impayé. Compte tenu des enjeux et eu égard à l’efficacité de cette garantie, l’hésitation n’est pas permise.