[ Coups de Cœur – Épisode 5/15 ]
POUR LES CRÉATEURS
DANS UN MONDE NUMÉRIQUE
Aurore Bergé est députée des Yvelines, porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée, rapporteure de
la mission d’information sur une nouvelle régulation de l’audiovisuel à l’ère numérique.
« Il faut rappeler l’idée tenant à ce qu’il y a de plus profond dans l’esprit français, que les sciences, les lettres et les arts sont une chose d’Etat, une chose que chaque Nation produit en son corps, que la patrie est chargée de provoquer, d’encourager et de récompenser » écrivait Ernest Renan en 1871 dans la Réforme intellectuelle et morale. La France s’honore d’être le pays de la protection de la création et du respect de ceux qui créent. Faut-il le rappeler, elle est le premier pays au monde où une loi a été édictée pour protéger les auteurs et leurs droits. Aujourd’hui, cela est clairement mis à mal par quelques acteurs trop puissants – incontournables par leur nombre d’abonnés et le chiffre d’affaires généré -, trop inventifs – y compris pour échapper ou optimiser nos législations -, trop ancrés dans notre quotidien et dans nos habitudes de consommation. Mais ni les nouveaux usages ni l’avènement des plateformes numériques ne sauraient conduire à une société sans respect pour ceux qui créent.
Le constat est édifiant : aujourd’hui, soixante-cinq millions de vidéos sont illégalement consultées chaque mois par les Français et 16 millions de procès-verbaux de constat d’infraction ont été adressés par les ayants droit à la Hadopi en 2017. Il est urgent de mieux protéger la propriété intellectuelle. Affirmons-le : le piratage, c’est du vol ! Ces effets sont terribles : il fragilise les emplois dans le secteur audiovisuel et de la création, limite les recettes des acteurs historiques et entrave la diversité culturelle. L’autorégulation ne suffit pas. Nous devons moderniser et affermir le système de réponse graduée, élargir les prérogatives de la Hadopi envers les sites contrefaisants et accélérer la prise de décisions, notamment face au développement du live streaming.
Il nous appartient aussi de garantir la rémunération équitable des auteurs, qu’ils soient réalisateurs, scénaristes, compositeurs ou encore paroliers. Notre code de la propriété intellectuelle prévoit clairement « une participation proportionnelle aux recettes de la vente et de l’exploitation » de leur œuvre. Cela est aujourd’hui un vœu pieu en ce qui concerne les plateformes. Nous devons pour y remédier poursuivre le combat européen quant à la directive sur le droit d’auteur afin que les services de vidéos à la demande entrent bien dans ce cadre. Le lobbying des GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon, Netflix) en amont du vote au Parlement européen révèle une fragilité démocratique qu’il nous faudra résoudre.
Enfin, notre engagement est clair : « les plateformes doivent être soumises aux mêmes règles que celles des diffuseurs, notamment en matière de financement de la création, de diversité et de diffusion des œuvres ». L’accord trouvé sur la directive Services de Médias Audiovisuel (SMA) est un progrès majeur. Fait inédit, les plateformes se verront appliquer les règles des pays de destination dans lesquels elles diffusent et réalisent leur chiffre d’affaires. Nous devrons préciser ces règles afin qu’elles soient alignées sur celles des acteurs historiques notamment sur le recours à la production indépendante.
Notre volonté n’est pas de combattre l’existence de ces plateformes mais de définir un new deal qui n’oublie plus ceux grâce auxquels elles vivent. Sans contenu, elles ne sont plus que des tuyaux vides de sens, d’âme et d’intérêt. Ce contenu n’existe que par le talent et la détermination de ceux qui créent. Cette création mérite le respect des citoyens qui ne peuvent continuer à les piller et des plateformes qui ne peuvent continuer à les utiliser sans les rémunérer équitablement. Ces combats sont tout sauf ringards : ils définissent qui nous sommes en France et nous rappellent les combats pour lesquels nous avons toujours été à l’avant-garde. Pour la culture, pour l’émancipation, pour la diversité.
Tribune issue du dernier numéro de notre magazine AUDIENCE
ADEKWA Avocats
Cabinet d’avocats
Lille – Douai – Valenciennes – Bordeaux