[ Coups de Cœur – Épisode 9/15 ]
L’AFRIQUE, CONTINENT D’AUJOURD’HUI
Aziz Senni est entrepreneur, président-fondateur de “C Mon Taxi !”.
Il est vice-président de la commission Dynamique Entrepreneuriale du Medef.
Il ne se passe pas une semaine en France sans qu’une conférence ou un colloque ne vantent l’attractivité et le potentiel économiques de l’Afrique. Cette prise de conscience – tardive – des institutions et cercles d’affaires français de l’opportunité que constitue le réservoir de croissance africaine pour les entreprises de l’hexagone est louable. Toutefois, cet engouement pour le développement économique africain reste malheureusement encore rattaché aux statistiques où les chiffres vertigineux en milliards de dollars côtoient les multiples de la population dans les décennies à venir. Des discours bien souvent théoriques, académiques et universitaires parfois hors sols délivrés à Paris et à un “doing business” français en Afrique frileux, inadapté, peu pragmatique et, bien souvent, encore porteur de l’héritage de la France Afrique teinté, osons les mots, d’un esprit colonial de grand papa.
Après vingt ans d’entrepreneuriat en France, la création de plusieurs sociétés socialement responsables et d’un des tout premier fonds d’investissements à impact social, j’ai décidé de me tourner vers l’Afrique ! Une expérience de vie bien plus riche que si j’avais commandé une étude à un de ses gros cabinets qui facturent à prix d’or leurs prestations que seuls les grands groupes peuvent se payer. Une fois la phase d’approche et d’immersion finalisée, fort de mon expérience dans le secteur des taxis, de la location de véhicules, du financement des PME, je me suis lancé dans la création de “C Mon Taxi !”. Une société à fort impact sociale ayant trois métiers : former des jeunes diplômés au chômage afin de devenir entrepreneur-taxis, permettre à ces jeunes ou à des chauffeurs locataires de taxi de devenir propriétaires de leurs outils de travail sans apport ni caution financière, valoriser et accroitre le chiffre d’affaires des taxis par la mise en place d’une application digitale. Une activité prometteuse, garantissant de très bons retours sur investissement et de surcroit à fort impact social.
J’ai eu la chance de pouvoir levée des fonds en France pour mon entreprise, pour un fonds d’investissement mais j’ai compris après de nombreux échanges avec quelques business angels et investisseurs que malgré un business plan solide, une étude de marché sérieuse et des projections prometteuses, “startup + Afrique = Trop de risques selon les critères occidentaux = fin de non-recevoir”. Le même dossier d’investissement ne déclenche pourtant pas les mêmes craintes chez les investisseurs étrangers. Et comme Blablacar ou OVH, à un autre niveau et dans d’autres domaines, j’ai compris que le financement de la croissance de mon entreprise sur ce continent passerait par des bailleurs de fonds étrangers.
Si à Paris, on prêche le développement de l’Afrique en permettant à sa population d’accéder l’emploi et à tous les services, comme en Occident, on oublie de préciser que pour y arriver sur place il faut oublier les standards parisiens et occidentaux, faire l’effort de s’adapter avec pragmatisme aux réalités du contexte local comme le font très bien nos concurrents chinois, coréens, turcs, moyens orientaux, etc. Autrement dit, ce n’est pas en imposant des critères d’économies matures et, avouons-le, vieillissante aux entrepreneurs en Afrique (quand la France fait 2% de croissance, on sabre le champagne !) que nous ferons des affaires gagnant-gagnant et que nous contribuerons à faire émerger cette vitale classe moyenne africaine. Ce n’est pas non plus ainsi que nous permettrons à la “startup nation” si cher à notre président de la République de pouvoir s’exporter et concurrencer ceux qui ont déjà tout compris et nous “taillent des croupières” sur les marchés de ce continent.
Concrètement, il n’existe pas actuellement d’investisseurs français prêts à prendre le risque d’investir dans des startups à fort potentiel de croissance et à fort impact social en Afrique, alors que c’est de ce type d’investisseurs que les Africains attendent. Il semble pourtant si évident que les intérêts sont ici clairement convergents La France a une opportunité de créer un écosystème vertueux basée sur la diversité de ses richesses humaines, matérielles et financières au service d’un continent qui en besoin de manière urgente.
Tribune issue du dernier numéro de notre magazine AUDIENCE
ADEKWA Avocats
Cabinet d’avocats
Lille – Douai – Valenciennes – Bordeaux