Coup de cœur x Éric PIOLLE

[ Coups de Cœur   –   Épisode 13/13 ]

 

 

 

APRÈS LES POPULISTES,
APRÈS LES CYNIQUES

 

ADEKWA Avocats Lille - Eric PIOLLE

 

Éric Piolle est ingénieur et homme politique. Il est maire de Grenoble depuis 2014.

 

 

Il est des moments extraordinaires dans l’histoire d’une nation, où l’unité l’emporte. Lorsque les élites et la société se rassemblent, presque fusionnent, autour d’un cap commun. Lorsque les unes et l’autre dépassent leur conflictualité, sans doute constitutive de la démocratie libérale, pour avancer dans la même direction et ainsi décupler les victoires et les progrès.

 

Dans la mémoire collective, la Reconstruction de notre pays après les cataclysmes de la seconde guerre mondiale, incarne cet épisode de retrouvailles. Celui où l’unité accouche de l’audace. En quelques années, un pays moralement, financièrement, géographiquement, en ruine parvient à puiser en lui l’énergie d’aller de l’avant et de donner corps à l’Etat providence, la sécurité sociale et, dans la foulée, aux Trente glorieuses. Même exsangue, notre pays est capable de se surpasser, de protéger la population et de retrouver son rang.

 

Plus d’un demi-siècle après, et alors que les périls du dérèglement climatique menacent les équilibres de notre mode de vie, des plus globaux aux plus intimes, force est de constater, à regret, le retour des antagonismes entre les élites et la société. La déconnexion entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui en sont destinataires atteint des proportions jamais égalées. Le contrat social se déchire.

 

D’un côté, certaines élites cèdent au cynisme, mobilisent leur intelligence non plus sur la réussite collective, pourtant au cœur de leur responsabilité, mais sur la survie de leurs milieux sociaux face au reste du commun des mortels : elles larguent les amarres et se vivent comme “offshore”. Donald Trump se retirant de l’Accord de Paris sur le Climat incarne à l’état pur cette sécession des cyniques. Ils ne partagent plus le même monde que “le reste”.

 

D’un autre côté, la résurgence des populismes, de la sécession “par le bas”, du “tous pourris”. Sentiment puissant qui, à la façon d’un miroir, détache la société des “belles personnes”. Refus du commun de la part des populistes. Refus du commun de la part des cyniques : des décennies de problèmes déplacés et jamais résolus ont conduit notre société au point de rupture… au moment où jamais les défis à relever n’ont été aussi gigantesques.

 

Avec d’autres, humanistes, pragmatiques, scientifiques, j’appelle sans relâche à dépasser la “société de camps” qui nous paralyse. Réussir la transition, le défi de notre génération, invite à consolider le cœur de notre société, à égale distance des cyniques et des populistes. Entre néoliberalisme et “illibéralisme”, selon la formule consacrée du dirigeant hongrois populiste Victor Orban, réside le chemin du commun et de l’unité.

 

Nos pères et nos grands-pères avaient toutes les raisons du monde d’opter pour l’antagonisme, pour faire sécession : leur monde était tellement plus binaire que le nôtre, devenu complexe, multipolaire. Pourtant, face aux urgences, aux périls, ils firent le choix d’une unité de raison au service de la réussite collective. C’est à la résurgence de cette culture qu’avec d’autres je m’attèle. C’est, j’en suis convaincu, le chemin le plus direct pour réussir la transition et offrir à nos enfants un monde digne, qui mérite d’être vécu.

 

 

 

 

Tribune issue du dernier numéro de notre magazine AUDIENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cabinet d’avocats

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