Coup de cœur x Jérôme LÈBRE

[ Coups de Cœur   –   Épisode 7/15 ]

 

 

 

LA PLUS BELLE ACTION

DE LA COUPE DU MONDE

 

ADEKWA Avocats Lille - Jérôme Lèbre

 

Jérôme Lèbre est professeur de philosophie, membre du Collège international de philosophie.
Il écrit en ce moment son neuvième livre portant sur les scandales et les provocations.

 

 

 

« On est les champions » grâce au beau jeu et au bel esprit de notre équipe de foot ; la Russie organisatrice de la Coupe peut aussi être fière de sa jeunesse qui nous a offert la plus belle action de la compétition : à la 53e minute de la finale, quatre membres du groupe contestataire Pussy Riot en noir et blanc envahissaient le terrain, slalomaient entre les maillots bleus et à damier blanc et rouge, poursuivis par des hommes en noir et jaune, puis trainés souriant sur la touche, s’offrant vingt secondes de diffusion mondiale pleines de couleurs et de courage.

 

Cette performance du groupe russe Pussy Riot se nommait Policeman enters the Game. Elle opposait le “policier céleste” crée par le poète Dmitri Prigov au “policier terrestre” de la Russie actuelle, celui qui persécute les prisonniers politiques et reste indifférent à la grève de la faim du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov. Les acteurs de la performance jouaient les policiers terrestres brisant la fête, sans respect pour ses règles, et ont fait jouer à leurs videurs le rôle des policiers célestes : c’est bien par un autre jeu que la finale a été interrompue. Outre son explication donnée sur les réseaux sociaux, la performance comprenait un clip réclamant la libération des prisonniers politiques en Russie, la fin des arrestations et des affaires pénales “fabriquées” et le respect des règles de la “compétition politique”, bref de la démocratie.

 

Une autre intervention des Pussy Riot, qui avaient chanté « Vierge Marie délivre-nous de Poutine » devant l’autel du Christ-Sauveur de Moscou, leur avait valu deux ans de prison pour « hooliganisme et incitation à la haine religieuse » – un traitement judiciaire condamné par la Cour européenne des Droits de l’homme. L’intrusion dans le Stade a valu à ses autres membres quinze jours d’incarcération pour avoir « gravement enfreint les règles du comportement des spectateurs » ; puis, à leur sortie, une nouvelle inculpation pour « l’organisation d’événements publics sans préavis écrit préalable ». On peut être inculpé hors de toute mesure, mais aussi deux fois pour les mêmes faits, la première comme spectateurs du match, la seconde comme acteurs de la performance : c’est la Russie de Poutine, fidèle à elle-même, ce « grand pays » organisateur, dixit un commentateur français du match sans une pensée de journaliste pour ses collègues russes tués ou emprisonnés.

 

Ce coup de cœur pour les Pussy Riot s’accompagne d’un pincement au cœur en constatant avec le New Yorker que l’action du groupe a été la seule « prise de position significative » sur la politique russe pendant la Coupe ; d’un autre encore en relisant le philosophe Gunther Anders : « les happenings n’ont lieu que dans les moments historiques où les possibilités d’une véritable résistance, pour ne rien dire des chances de révolutions, sont égales à zéro, mais où, en revanche, le renoncement à la résistance, à la révolte ou la révolution est chaque jour plus douloureux ».

 

Heureusement on a pu voir sur le terrain le magnifique double-check entre Veronika Nikulshina et Kylian Mbappé. Mais si nous qui n’avons pas joué pouvons être fiers de “notre” 4-2, nous pourrions l’être encore plus en agissant pour que les chances des résistants russes ne soient pas égales à 0.

 

 

 

Tribune issue du dernier numéro de notre magazine AUDIENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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