Coup de gueule x Stéphane MALLARD

[ Coups de Gueule   –   Épisode 15/20 ]

 

 

 

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : NOUS SOMMES BEAUCOUP PLUS PRÉVISIBLES QUE NOUS LE PENSONS !

 

ADEKWA Avocats Lille - Stéphane MALLARD

 

Stéphane Mallard est entrepreneur, chroniqueur, conférencier et digital evangelist. Il est l’auteur de l’ouvrage Disruption (Dunod, 2018).

 

 

Depuis les récents progrès de l’intelligence artificielle, pas un seul jour ne passe sans que la presse ne fasse état de ses prouesses dans tous les domaines : diagnostic médical, recherche, conduite autonome, compréhension du langage, reconnaissance faciale, etc. La révolution est réelle, massive et déterminante pour les prochaines années bien que nous n’en sommes qu’aux balbutiements de ce que les machines seront bientôt en mesure de faire.

 

Ce qui est surprenant dans cette révolution, c’est l’obsession des commentateurs et des humains en général à se comparer à elles. « Les machines ne pourront jamais dépasser l’homme », « Elles n’ont pas d’émotions », « Elles ne seront jamais conscientes », lit-on de manière récurrente.

 

Premièrement, ceux qui affirment cela n’en savent rien, y compris les plus grands experts actuels du domaine. Il n’y a qu’à voir comme chaque révolution scientifique s’est faite contre les experts à chaque époque, par transgression, et souvent par l’arrivée de nouvelles générations qui pensaient contre leurs pères et pairs et encore plus souvent par un hasard qui rendait l’ancien paradigme obsolète. La seule chose que cela dit d’eux-mêmes, c’est à la fois leur arrogance à vouloir “rester supérieurs” à la machine mais surtout leur peur de se faire “dépasser” par elle et d’être relégués au second plan. Nous devrions faire preuve d’humilité. Se faire “dépasser” par une machine est une excellente nouvelle : si elles conduisent de manière plus sécurisée et diagnostiquent les maladies avec plus de fiabilité, laissons-nous “dépasser”. Nous avons un réflexe de crainte chaque fois que la machine nous dépasse : puisque la machine l’a fait, cela ne relève pas de l’intelligence, avons-nous l’habitude de répéter. Et à chaque prouesse, nous en pointons vite les limites avant de saluer sa performance : la machine a fait le diagnostic, mais c’est le médecin qui l’annonce au patient avec son intelligence émotionnelle d’humain ! Minimiser, toujours minimiser. Patience, très vite les machines sauront détecter nos émotions mieux que nous et nous en faire éprouver au bon moment. L’intelligence émotionnelle n’est qu’un algorithme comme un autre, aussi complexe soit-il.

 

Et deuxièmement, ce que cette obsession de comparer l’homme à la machine dit de nous, c’est notre illusion de libre arbitre et notre refus du déterminisme. Les machines et les algorithmes sont de plus en puissants et commencent à frôler des capacités qui nous dérangent et que nous refusons d’admettre. Ils savent à la simple observation de notre utilisation de la technologie, prédire de plus en plus de nos comportements. Facebook sait par exemple anticiper un suicide imminent, une relation amoureuse ou une rupture et même vos intentions de vote, simplement grâce à votre utilisation de sa plateforme (en étudiant la fréquence d’utilisation, les contenus qui vous intéressent, vos interactions en ligne, etc.). Nous sommes beaucoup plus prévisibles que nous le pensons (ce que les assureurs savent depuis longtemps et que les sciences sociales tentent de quantifier) et les algorithmes sont en train de nous le prouver. Les prochaines années, nous allons rouvrir le débat philosophique du libre arbitre et du déterminisme : jusqu’où sommes-nous maîtres de nos décisions lorsque des algorithmes nous anticipent et nous influencent ?

 

Pour beaucoup d’entre nous, les algorithmes ne resteront que de vulgaires calculs incapables de nous connaître parfaitement. Mais plus ils progresseront et anticiperont nos comportements, plus il faudra l’accepter et guérir notre blessure narcissique face à l’illusion du libre arbitre. Avec l’émergence de ces algorithmes, c’est toute la société qui devra être repensée et ses institutions transformées.

 

 

 

 

 

 

 

Tribune issue du dernier numéro de notre magazine AUDIENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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