Parmi l’arsenal de notions de référence auxquelles le monde des affaires et la sphère juridique ont constamment recours, la notion d’intérêt au taux légal est, si l’on veut conserver la métaphore de la mode, un basic.
Mais depuis les années 1990, le développement croissant des activités bancaires, réglementées au plus près par la loi, la jurisprudence et les normes professionnelles, lui ont donné une nouvelle envergure. Dans ce contexte, il est apparu nécessaire au Gouvernement de relooker l’intérêt du taux légal, au moyen d’une réforme entrée en vigueur au 1er janvier 2015.
| Martine VANDENBUSSCHE, Avocat Asociée |
Le domaine commercial et civil connait bien le taux d’intérêt légal, lorsqu’il vient pallier l’absence de stipulation d’un intérêt conventionnel, mais c’est d’abord à sa nature moratoire et indemnitaire à laquelle on pense lorsqu’on l’évoque. Le taux légal est le moyen de faire pression sur le débiteur tenu au paiement d’une somme d’argent. Ce taux doit l’inciter à la ponctualité, de sorte que les intérêts payés à ce titre ont vocation à réparer le préjudice subi par
le créancier en raison du règlement tardif.
Mais désormais, le taux d’intérêt légal, c’est aussi la sanction civile, appliquée parfois de façon compulsive dans les prétoires pour assurer la protection du consommateur toujours victime. Le taux légal n’est donc plus un taux par défaut mais le taux imposé aux banques en substitution du taux conventionnel dans des contentieux en croissance exponentielle, comme celui actuellement en vogue qui consiste à contester la régularité du taux effectif global.
Cependant, afin de jouer efficacement son rôle incitatif voire coercitif, le taux légal doit être d’un montant suffisamment dissuasif. Calculé jusqu’à la réforme de 2014 selon la définition reprise à l’article L313-2 du code monétaire et financier, en référence « à la moyenne arithmétique des douze moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixes à treize semaines », ce taux n’a cessé de baisser entre 1993 et 2014 où il était égal à 0,04%, soit un taux quasi nul. Une véritable incitation à ne pas payer ou prendre le temps de le faire.
Face à ce constat, le Gouvernement a décidé de réformer le mode de calcul : « afin de refléter au mieux le coût de refinancement de celui à qui l’argent est dû, deux taux – l’un applicable pour les créances des particuliers, l’autre applicable à tous les autres cas – seront fixés semestriellement, à partir du taux directeur de la Banque centrale européenne et des taux pratiqués par les établissements de crédit ».
Partant, la réforme est significative, puisque deux taux vont cohabiter, fondés sur le coût de refinancement de deux catégories de créanciers, et semestriellement révisés pour tenir compte des fluctuations de l’activités économique. Un premier taux, spécifique aux créances des particuliers lorsque ces personnes physiques n’agiront pas pour des besoins professionnels. Et un second applicable à tous les autres cas, entre professionnels, mais encore entre un débiteur, personne physique particulier, et son créancier professionnel. Le nouveau mode de calcul entraînant des différences importantes dans les montants, parce que, selon les rapporteurs de la réforme, le refinancement des particuliers serait plus couteux que celui des autres personnes. (1er semestre 2015 : 4,06% pour 0,93% ; 2ème semestre 2015 : 4,29% pour 0,99% ; 1er semestre 2016 : 4,54% pour 1,01%).
Cette réforme était évidemment nécessaire et les nouveaux taux légaux, proches des taux du marché, doivent permettre de conforter la fonction incitative de paiement des dettes d’argent dans les meilleurs délais. Cependant, si cette réforme produit les effets escomptés, c’est-à-dire si elle tend à l’augmentation du taux légal, que certains prédisent notable, la substitution du taux légal au taux conventionnel dans ce contentieux de masse que supportent nos tribunaux, peut-elle encore représenter une réelle sanction pour les établissements bancaires ? Car si la prédiction se réalisait, si la sanction devenait indolore, alors même qu’il s’agit de la seule sanction prévue par la loi et la jurisprudence, la réforme du taux légal sera le remède à cette inflation de contentieux bancaires.
En définitive, c’est peut-être bien aux banques que le taux légal Saison 2014 convient le mieux.
Un article à retrouver dans notre magazine AUDIENCE…