Marchés Publics : Les risques contentieux de la déclaration sans suite (par Etienne Colson, ADEKWA Avocats Lille)

 

 

Si la déclaration sans suite entraîne l’abandon pur et simple d’une procédure de consultation, elle peut également être à l’origine de recours contentieux de la part des candidats soumissionnaires. Il est donc primordial de bien motiver cette décision.

 

 

ADEKWA Avocats Lille - Droit Public Déclaration sans Suite

 

 

|  par Etienne COLSON, Avocat Collaborateur  |

Avocat au Barreau de Lille

 

 

Le juge administratif s’est récemment prononcé sur la recevabilité d’un recours en annulation contre la décision de déclarer une procédure sans suite. En l’espèce, un groupement de commandes avait lancé une procédure négociée. La commission d’appel d’offres du groupement avait informé un candidat que son offre n’était pas retenue. Ce dernier a alors intenté un recours contre le pouvoir adjudicateur. Durant la procédure contentieuse, le mandataire du groupement a finalement déclaré sans suite pour motif d’intérêt général et plus particulièrement en raison de la « suspicion de vice de procédure détecté en cours de procédure ». Le magistrat a finalement validé le motif présenté par la collectivté et a rejeté le recours. Me Etienne Colson, avocat au barreau de Lille (partenaire d’Adekwa Avocats), note déjà « l’originalité de ce jugement puisque la déclaration sans suite a été prononcée après le contentieux.» Après cette décision, le groupement  a lancé une nouvelle procédure pour le même objet. Le décret marchés de mars 2016 dispose à l’article 98 qu’ « a tout moment, la procédure peut être déclarée sans suite. Dans ce cas, l’acheteur communique aux opérateurs économiques ayant participé à la procédure, dans les plus bref délais, les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas attribuer le marché public ou de recommencer la procédure. »  Si l’infructuosité ouvre la possibilité de poursuivre l’achat en passant par la négociation, déclarer sans suite signifie un abandon pur et simple de la procédure de consultation. L’acheteur est donc tenu de recommencer entièrement la procédure en veillant que la nouvelle consultation soit en cohérence avec la nature du motif invoqué précédemment. A défaut, l’acheteur s’expose à des risques contentieux.

 

 

La déclaration sans suite ferme l’accès au juge du contrat

 

 

« C’est la première fois, depuis la jurisprudence Tarn-et-Garonne, que le juge se prononce sur la question de savoir si un recours direct est possible contre une déclaration sans suite », observe Me Sophie Lapisardi, avocate associée du cabinet Lapisardi. Pour rappel, depuis le 4 avril 2014, le Conseil d’Etat a ouvert la possibilité à tous les tiers, et donc les candidats évincés,  justifiant d’un intérêt lésé par un contrat administratif de contester la validité devant le juge du contrat. Ici, la réponse est claire, il n’y a pas de recours en annulation possible car il n’y a pas de contrat. « Le recours Tarn-et-Garonne est un contentieux contractuel, il est donc impossible de l’appliquer dans le cas présent », précise Me Géraud d’Alboy, avocat au cabinet Palmier-Brault-associés. 

 « En revanche, un candidat évincé peut saisir le juge d’un recours indemnitaire en remettant en cause la légalité ou le caractère injustifié de la déclaration sans suite, et à ce moment-là le juge examinera indirectement la légalité de la déclaration sans suite », prévient Me Sophie Lapisardi. « Le recours pour excès de pouvoir contre la déclaration sans suite est également envisageable », complète Me Géraud d’Alboy. Ce que confirme la DAJ de Bercy dans sa fiche sur la notification des rejets des candidatures et des offres. Ainsi quand il n’y a pas de contrat, comme c’est le cas dans une procédure déclarée sans suite, les règles classiques habituelles s’appliquent, et les actes détachables sont attaquables (à l’exception notable de la décision de rejet de l’offre du requérant, précise le jugement). Ce risque demeurera  néanmoins faible si la motivation de l’administration est réelle et justifiée.

 

 

L’importance de la motivation

 

 

« La prudence est d’appliquer le motif d’intérêt général comme c’était  le cas avant », conseille Me Sophie Lapisardi. En effet, l’article 98 du décret marchés indique que le pouvoir adjudicateur doit juste fournir « les raisons » le poussant à déclarer sans suite. Me Etienne Colson fait remarquer que « quelques arrêts de 2016, notamment de la Cour administrative d’appel de Nancy, démontreraient un contrôle plus étroit sur le motif invoqué par la collectivité ». Pour lui « cela semble évident. Si on raisonne a contrario, on voit mal une collectivité justifier sans intérêt général, ça va aux antipodes des intérêts des opérateurs économiques. » S’il ne motive pas, l’acheteur risque d’engager la responsabilité pour faute de son administration, laquelle devra alors indemniser le requérant.  Cela sera, dans ce cas, le manque à gagner ou la marge nette pour le candidat qui aurait dû être titulaire du marché. Concernant le timing, le décret reste évasif avec un  « dans les plus bref délais ». Me Sophie Lapisardi estime que « la difficulté est qu’il ne faut pas laisser au prestataire le temps de s’organiser pour exécuter le marché» Si l’attributaire a été désigné et que le pouvoir adjudicateur décide de déclarer le marché sans suite, l’administration a donc tout prévenir l’entreprise le plus rapidement possible…

 

 

 

Un article à retrouver sur le achatpublic.info

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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