Procès des écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy et nullités de procédure (par Philippe SIMONEAU, ADEKWA Avocats Lille)

 

 

 

 

Philippe Simoneau, ADEKWA Avocats Lille, Nicolas Sarkozy

 

 

|  par Philippe SIMONEAU, Associé ADEKWA Avocats  |

Avocat au Barreau de Lille

 

 

Nullités de procédure, de quoi parle-t-on ?

 

Au premier jour de la reprise du procès, « les exceptions et incidents de nullités ont été joints au fond ».

Qu’est-ce que cela veut dire ?

La presse et les médias racontent la brillante plaidoirie de l’avocate de Nicolas Sarkozy sur les nullités de procédure.

Ma consœur Jacqueline Laffont a raison ! Mille fois raison !

Ces nullités sont caractérisées !

Mais comme d’habitude, le Tribunal a « joint l’incident au fond » en application du fameux et exécrable article 459 du code de procédure pénale qui dit :

 « Le tribunal … doit joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi, et y statuer par un seul et même jugement … », sauf ajoute le texte, « en cas d’impossibilité absolue, ou encore lorsqu’une décision immédiate sur l’incident ou sur l’exception est commandée par une disposition qui touche à l’ordre public ».

« Impossibilité absolue », « ordre public » ; autant vous dire que c’est jamais…

Nombre de procédures mériteraient que le Tribunal se prononce en premier lieu sur les nullités ; il n’y aurait pas de temps perdu à évoquer une affaire qui n’a pu lieu d’être.

 J’avais déposé une QPC, Question Prioritaire de Constitutionnalité, avec mon ami et confrère Frank Berton, et la Cour de Cassation nous avait répondu dans un arrêt du 11 octobre 2011 :

« Les dispositions de l’article 459, …, n’ont pour objet, …, que de prévenir les procédés dilatoires et d’aboutir ainsi à une décision dans un délai raisonnable dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». (Cass Crim, 11 octobre 2011, n° 11-90088)

Ben voyons ; et pourtant…

Non, les conclusions de nullité ne sont pas des procédés dilatoires.

La « bonne administration de la justice » a bon dos dès lors qu’il s’agit « d’arbitrer » face à la protection du secret professionnel des avocats (qui vous protège), au procès équitable, au principe d’égalité des armes entre accusation et défense, et aux droits de la défense pendant toutes les phases de la procédure, pas seulement le jour du procès !

Quant aux délais raisonnables, vous me permettrez de sourire tant ils sont à géométrie variable.

En 2020, nous en sommes encore et toujours à mener ces combats pour le respect du caractère équitable et contradictoire d’une procédure, la préservation de l’équilibre des droits des parties qui sont des principes directeurs et essentiels de la procédure pénale qui devraient pourtant s’imposer à tous.

Le respect de ces principes, c’est le respect des droits du justiciable, quel qu’il soit, connu ou pas.

La Justice n’est décidément pas égale pour tous, pas même pour un ancien Président de la République Française.