par
Philippe SIMONEAU, Associé ADEKWA Avocats
Je plaidais récemment pour des arbres.
Enfin, quand je dis des arbres, vous avez compris. Je représentais un couple de propriétaires vivant dans une commune qui peut être qualifiée de rurale ou, pour les entêtés, de périphérique à une grande ville, de « ville-dortoir » (que je n’aime pas ce mot).
C’est tout simplement un village à côté de Lille.
Là où il y a encore de nombreux champs, des animaux qui mâchouillent dans ces champs, en vous regardant avec l’air de vous dire que vous n’avez rien compris à la vie.
Là où il y a des arbres, des bois et des forêts.
Et forcément des promoteurs immobiliers qui font leur boulot et proposent à de nouveaux arrivants des terrains et des lotissements.
Parmi ces nouveaux « z’arrivants » (et même parfois parmi les z’anciens), il y en a toujours qui voudront en découdre avec le promoteur, le constructeur, la mairie, les voisins, à propos des enfants des voisins, des animaux des voisins, des arbres des voisins, des voitures des voisins,…
Votre gosse rit, votre chien aboie, votre arbre fait de l’ombre, votre voiture est mal garée,…
Les feuilles de vos arbres tombent ou sont emportées par le vent,…
Et vous vous retrouvez devant le médiateur ou le conciliateur !
Sauf que ce cher voisin, en plus, ne veut rien entendre et exige tout ce qu’il considère « être son bon droit ».
Alors que dit le « bon » droit ?
Le principe est que « nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
Le code de la santé publique dit « qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité ».
Vous avez compris que tout est donc question d’appréciation.
La preuve de l’existence d’inconvénients anormaux du voisinage doit être apportée; il faut des preuves précises des troubles anormaux de voisinage qui seront soumises à l’appréciation souveraine des juges du fond, qui doivent caractériser des nuisances importantes, d’une intensité avérée et certaine, dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
Les juges disent, à raison, que « ce n’est pas tant la notion de trouble qui fonde la théorie des troubles anormaux du voisinage, les troubles susceptibles d’être causés étant innombrables, que celle d’anormalité ».
Ils ajoutent que : « le trouble n’importe que s’il entrave de manière anormale les relations de voisinage, de sorte que c’est son anormalité qui doit avant tout être caractérisée ; l’anormalité est celle du trouble, non celle du dommage.
Ensuite, le trouble est anormal à la condition de dépasser un certain degré de nuisance au-delà duquel est franchie. En ce sens, il convient, d’une part, que le trouble présente un caractère continu ou, du moins, répétitif. Et d’autre part, le trouble doit revêtir une intensité certaine, laquelle s’apprécie en fonction des circonstances de moment et de lieu ».
La récente décision du 5 septembre 2019, concernant le coq Maurice, dit que le trouble doit être très fort et répétitif, ce qui dépasse le simple trouble ou inconvénient de voisinage.
Mon arbre, quant à lui, n’a pas plié et a gagné, devant l’absence de preuves de prétendus troubles anormaux de voisinage.
Faut-il pour autant, comme je l’ai lue, une loi sur « le patrimoine sensoriel des campagnes » ?
Arrêtez avec vos projets de lois ridicules ; il y a déjà tout ce qu’il faut dans notre « patrimoine » des codes et des lois !
Il faut simplement les lire et les appliquer, avec intelligence ; et savoir « vivre ensemble ».
Et Maurice, tu viens quand tu veux chanter sur mon arbre…
ADEKWA Avocats
Cabinet d’avocats