La vérité sur le droit de grève (par Pauline Théret, ADEKWA Avocats Lille)

 

 

Historiquement considéré comme un délit, le droit de grève est, depuis le préambule de 1946, reconnu comme une liberté fondamentale du salarié. Désormais érigé en moyen de pression ultime, il permet aux salariés d’exprimer leurs désaccords et de revendiquer l’acquisition de droits sociaux.

Hier, congés payés et conventions collectives animaient le calendrier social. Aujourd’hui, réforme des retraites ou code du travail sont au cœur des tensions et animent les manifestations.

Focus sur ce droit et ses limites.

 

 

 

 

|  par Pauline THÉRET, Avocat collaboratrice  |

 

 

 

Un droit de grève absolu ?

 

Si le caractère fondamental du droit de grève est régulièrement réaffirmé à la faveur de sa reconnaissance constitutionnelle, le droit de grève ne saurait constituer un droit absolu.

Sa règlementation est, en réalité, le fruit d’un consensus avec l’ensemble des autres libertés et principes essentiels qui existent au sein de notre société.

Le droit de grève se confronte, ainsi, au principe de sauvegarde et de continuité du service public. Ce principe commande l’instauration d’un service minimum obligatoire dans certains secteurs publics, comme les écoles, les services hospitaliers ou les transports. Toutefois, dans certaines professions, la préservation de l’ordre public entraîne une interdiction absolue de faire grève. C’est notamment le cas pour la police, les CRS, magistrats, militaires ou l’administration pénitentiaire.

 

 

Un droit protégé et encadré

 

Dans le secteur privé, le droit de grève se confronte exclusivement aux libertés d’entreprendre et de travail, lesquelles sont également constitutionnellement garanties. En effet, si la grève est un phénomène de force collective, dont la réussite dépend étroitement de l’ampleur de la pression exercée sur la structure d’emploi ou sur l’État, sa mise en œuvre est individuelle et personnelle, chacun disposant du droit de jouir de sa liberté de ne pas faire grève.

 

Le droit de grève ne saurait donc légitimer une entrave à la poursuite de l’activité. Ainsi, tant dans le secteur privé que public, le législateur et la justice veillent à garantir la nécessaire conciliation entre revendications salariales et intérêts publics comme individuels.

 

 

 

Pour être licite, une grève doit répondre aux quatre conditions cumulatives qui suivent : 

 

 

 

 

 

 

Sous réserve de respecter ces conditions, les salariés peuvent légitimement s’affranchir de leurs obligations de travail et de l’autorité de leurs employeurs.

 

Et pour que cet affranchissement soit total, le code du travail institue une protection du salarié. Cette protection se matérialise non seulement par une interdiction de remplacement du salarié gréviste mais également par une restriction du pouvoir disciplinaire de l’employeur à cette occasion. Un cadre qui préserve le salarié de toute mesure discriminatoire et disciplinaire.

 

 

 

La frontière entre exercice normal

et abusif du droit de grève est franchie

en cas de participation personnelle et effective

du salarié à des faits illicites

 

 

 

 

Si le salarié est protégé de manière absolue dans sa décision de cesser l’exécution de sa prestation de travail en cas d’exercice normal de la grève, un exercice anormal ou des agissements non-conforme qui revêtent une intention de nuire commis à l’occasion de cet arrêt restent, en revanche, parfaitement répréhensibles. La censure du pouvoir disciplinaire n’est donc pas absolue et est subordonnée à un exercice licite et non abusif du droit de grève.

 

La frontière entre exercice normal et abusif du droit de grève est franchie en cas de participation personnelle et effective du salarié à des faits illicites. Exemple : le non-respect des libertés fondamentales d’entreprendre et de travailler, à l’image du blocage des raffineries nucléaires qui ont sévi dans le cadre du mouvement d’opposition à la loi travail. Ou encore les menaces, injures et violences sur les biens et personnes, comme l’épisode de la chemise arrachée survenue au sein de la compagnie Air France et qui a donné lieu au licenciement de cinq salariés.

 

Ainsi, force est de constater que le droit de grève a pour objectif de résoudre les conflits par la discussion et le compromis.

 

La grève constitue in fine un moyen de pression précieux permettant l’ouverture d’un dialogue, lequel peut être sources d’avancées sociales significatives. Elle peut toutefois également provoquer une paralysie non légitime et constituer un obstacle redoutable à de nécessaires réformes. La nécessité n’étant pas toujours un motif audible.

 

 

 

 

 

AUDIENCE #3